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Rêverie Vénitienne
Rêverie Vénitienne
  • Sur mon blog qui est essentiellement Vénitien vous découvrirez par milliers des photos sur le Carnaval Vénitien d'Annecy que je photographie depuis plusieurs années , des photos de la Fête du lac ainsi que d'autres manifestations sur différents thèmes .
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11 février 2010

Venise et son carnaval partie 1

Venise et son carnaval

Depuis la nuit des temps Venise fait rêver les amoureux et les esthètes . Aucune cité au monde n’a été immortalisée aussi souvent et avec autant de passion par ses amants d’un jour ou de toujours : peintres , sculpteurs , écrivains , photographes .Venise est par excellence la ville de l’art où règne une alchimie de lumière et de sensualité .

A Venise , les regards de femmes costumées, lourds de sensualité sous le masque, vibrent d’amour de la vie , d’amour de l’amour .Ces regards-là , malgré le masque, redisent que , dans l’amour la femme s’unit à l’homme autant par le sexe que par les yeux .

11_F_v_2010

Qui n’a jamais porté un masque comprendra mal la sensation de l’être masqué . Un trouble dédoublement de soi , une jouissance perverse de voyeur, un étrange plaisir et ô combien fort , d’exhibitionniste à qui tout est permis , en toute impunité . A une certaine époque , à Venise , le carnaval durait six mois par an . Cela mérite réflexion . Six mois de licence absolue, pendant lesquels hommes et femmes n’en faisaient qu’à leur tête, ou plus exactement , qu’à leur sexe . Où la fidélité au sein d’un couple était synonyme d’affligeante débilité, voire de grave obscénité . Et en ce qui concerne la chasteté des religieuses et des prêtres , c’était en tout point pareil . Rien n’est jamais noirceur absolue : cette vie masquée induisait un corollaire indéniablement positif : l’égalité entre tous . Sous le couvert du masque, le poissonnier pouvait apostropher le prince et la soubrette se moquer de la marquise. Tous les masques dansaient à l’unisson dans la fête . Aucune révolution auréolée de la bannière égalitaire n’éclatera dans la Sérénissime .

Quand au travail, dans de telles conditions, n’en parlons pas . Les débiteurs allaient masqués narguer à qui mieux mieux leur créanciers, et les nobles ruinés pouvaient mendier à leur guise sous le masque . Cela incite à réfléchir , disais-je , sur la pérennité de cette cité qui est toujours debout , avec ses escarpins plantés dans la boue de la lagune , malgré le peuple de fous , de mythomanes jouisseurs, qui a coulé dans ses veines. Certes , elle à un peu payé . Notamment avec Bonaparte - ce béotien - qui l’offrit aux Autrichiens . Le carnaval en est mort car les vénitiens ne peuvent faire la fête s’ils ne sont pas libres . C’est cela , la liberté portée en credo absolu et leur passion du beau , qui a toujours sauvé Venise . Un tel paroxysme de beauté , créé sur l’eau dans de telles conditions , ne peut avoir été engendré que par la folie . Et une logique de l’absurde veut que ce soit cette Beauté qui rende Venise et les Vénitiens inaltérables . Et leur donne un sens ineffable de la Dolce Vita et du Dolce farniente . Et une notion totalement aléatoire du temps qui passe . Comme le décrit avec beaucoup de finesse Peggy Guggenheim : ‘’ La vie à Venise passe , pour une bonne part , dans l’attente des choses qui arriveront peut-être , ou peut-être n’arriveront pas .Ils faut s’y résigner comme à un fait inhérent au tempo de Venise , ou le sens de l’heure est inconnu . Attendu aujourd’hui , il apparaît quelques jours plus tard , sans manifester de regret . On attend des heures , des jours , des semaines , voir des mois , pour les choses les plus banales et aussi les plus importantes . Et l’on dérive au fil du temps ; et s’il se passe quelque chose de nouveau , qui ne soit pas le changement de saisons , c’est à peine si l’on s’en aperçoit . ’’

La plupart vivent dans une perception du temps toujours aussi floue .Mais aujourd’hui les Vénitiens se targuent d’être un peu plus raisonnables . Les gondoliers ne se renvoient plus , comme autrefois , les stances du chant des mariniers , ou alors sur commande . Le risotto (casino) est surtout fréquenté par les étrangers . L’amour à la Vénitienne n’a plus rien de sulfureux . C’est même tout le contraire , puisqu’il incarne désormais l’image virginale du voyage de noce .

Et le carnaval , qui , quelques deux cents ans plus tard , a naturellement ressurgit de ses cendres , ne dure plus que sept jours . Une pitié . D’autant qu’il est aujourd’hui essentiellement fêté par des étrangers et qu’on lui prête d’être boudé par les Vénitiens.

Pour l’avoir vécu , je pense qu’il s’agit là encore d’une cachotterie à la Vénitienne . Certes , les étrangers sont légion au carnaval et largement majoritaires . Mais chaque soir de mascarade, à la nuit tombée , quand tous ceux-là sont rentrés et démaquillés dans leur hôtel , d’autres ombres masquées surgissent et longent les murs . Une autre dégaine . Une prestance de prince . Une furtivité d’espion . Je les reconnais au premier coup d’œil . Ils descendent en silence des vaporetti pour se fondre entre les murs des sombres palais . A nouveau ils se sont évaporés . Car de ses fenêtres éclairées comme pour donner le change , aucun bruit ne filtre , aucun éclat de voix , nulle note de concerto , pas le moindre soupir . Pourtant ce sont bien eux , ces Vénitiens de plus en plus nombreux , qui réhabitent leur ville , qui font carnaval en leurs murs .

‘’ Le carnaval commence toujours la seconde fête de noël , c’est-à-dire qu’alors il est permis de prendre le masque , d’ouvrir les théâtres et les brelans . Alors on pousse à bout le libertinage ordinaire , on raffine sur tous les plaisirs : on s’y plonge jusqu’à la gorge . Toute le ville est déguisée . Le vice et la vertu se masquent aussi mieux que jamais , et change absolument de nom et d’usage . La place St Marc se remplit de mille sorte de Bateleurs . Les étrangers et les courtisanes accourent par milliers à Venise , de tous les coins de l’Europe : c’est un remuement et une confusion générale . Vous diriez que le monde est devenu fou tout d’un coup . Le gros de la mascarade est dans la place de St Marc ; il y en a quelquefois tant , qu’on ne peut s’y retourner . On se met en tel équipage qu’on veut ; mais pour bien faire , il faut être capable de soutenir le personnage dont on prend l’habit . La place se remplit en même temps de marionnettes , de danseurs et de toutes sortes de gens . Maximilien Misson

Tout le monde , même les prêtres , le gardien des capucins , le nonce , les petits enfants , les gens qui vont au marché , portent un masque . On voit passer des processions de gens déguisés en costumes de Français , d’avocats , de gondoliers , de Calabrais , de soldats Espagnols , avec des danses et des instruments de musiques ; le peuple les suit , applaudit ou siffle . Liberté entière ; prince ou partisan , tout le monde est égal ; chacun peut apostropher un masque . Des pyramides d’hommes font des ‘’ tableaux de force ’’ sur les places ; des arlequins en plein vent jouent des parades . Sept théâtres sont ouverts . Des improvisateurs déclament , et les comédiens improvisent des scènes plaisantes . Point de ville où la licence règne plus souverainement . Hippolyte Taine

Texte extrait de l'excellent livre "Instantanés Vénitiens" de Christine Nilsson éditions Harfang

 

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